Sauter malgré la maladie de Crohn

Alyx Treasure

Par Rasheed Clarke

À l’âge de neuf ans, Alyx Treasure a remporté la médaille d’or.

En fait, ça lui est arrivé cinq fois.

C’était en 2001. À l’occasion des Championnats Junior Développement de Colombie‑Britannique à Langley, Alyx Treasure a dominé le podium dans les catégories 60 mètres haies, 100 mètres, 200 mètres, saut en longueur et saut en hauteur. Trois ans plus tard, elle ajoutait à sa collection de trophées sans cesse grandissante quatre autres médailles d’or remportées à l’occasion d’une rencontre d’athlétisme à Kamloops. Lors de cet événement, elle en a profité pour établir un record du saut en hauteur pour son groupe d’âge.

Le saut en hauteur allait être la discipline privilégiée d’Alyx; en 2010, elle remportait le championnat provincial scolaire de la C.‑B. dans la catégorie saut en hauteur pour une troisième année consécutive et elle devenait la deuxième femme dans la province à y parvenir.

Cette année‑là, elle a également obtenu un diagnostic de maladie de Crohn.

« La maladie nous a complètement pris par surprise, moi et les membres de ma famille, car personne d’autre dans la famille ne souffrait de la maladie de Crohn ou de la colite, explique Alyx. C’est vraiment horrible de ne pas comprendre pourquoi notre organisme ne fonctionne pas bien. »

Alyx a reçu de l’État de la Floride, de l’Université du Sud de la Californie et de l’Université de l’Idaho des offres de bourses d’études auxquelles elle n’a pas donné suite vu qu’elle s’occupait de sa santé.

« Je ne pouvais pas accepter les bourses d’études qui m’étaient offertes, car ma maladie de Crohn n’était pas maîtrisée. Je ne me sentais pas à l’aise, car je ne pouvais pas me consacrer à l’entraînement comme il se doit, et il était hors de question de quitter le pays », explique‑t‑elle.

Alyx a décidé de s’inscrire à l’Université de la Colombie‑Britannique. Toutefois, les choses se sont gâtées de nouveau en raison de sa maladie de Crohn, et elle s’est vue forcée d’abandonner l’école alors qu’elle n’en était qu’à son deuxième semestre.

« Au début, lorsque j’ai reçu mon diagnostic, je niais vraiment la situation, poursuit‑elle. Je ne comprenais pas exactement ce qu’était la maladie de Crohn, je savais juste que j’étais malade. De plus, dans mon univers qu’est l’athlétisme, l’esprit passe toujours avant le corps, alors je croyais simplement que si je pensais très fort que j’étais une personne en santé, ce serait le cas. Je n’ai pas pris mes médicaments comme il se devait, ce qui m’a mené directement à l’hôpital. »

Le fait d’abandonner ses cours à l’Université de la Colombie‑Britannique a incité Alyx à prendre au sérieux la démarche thérapeutique concernant sa maladie de Crohn. Elle s’en est donc tenue à un plan de traitement qui lui a permis de relancer sa carrière d’athlète à l’Université du Kansas.

Alors qu’elle étudiait en vue d’obtenir deux majeures en entrepreneuriat et en marketing à cette université, Alyx a remporté le titre de championne de saut en hauteur en salle Big 12 en 2012, elle a occupé la deuxième place aux Championnats extérieurs de la NCAA en 2014 et elle a été à cinq reprises All‑American avant sa dernière année d’études.

Elle a représenté le Canada à l’occasion des Jeux panaméricains de 2015 à Toronto, où elle est arrivée septième. Ensuite, au printemps 2016, à l’occasion du Ward Haylett Invitational à l’Université du Kansas, elle a établi un nouveau record personnel avec un saut de 1,93 m. C’était la hauteur exacte qu’elle avait besoin d’atteindre pour pouvoir se rendre aux Olympiques de Rio.

Le fait de pouvoir participer aux Jeux olympiques de 2016 a fait vivre à Alyx beaucoup d’enthousiasme, mais également une certaine dose d’agitation. La pollution et le virus Zika inquiétaient tous les concurrents se rendant au Brésil, mais Alyx devait faire face à un risque supplémentaire. Elle prenait, pour traiter sa maladie de Crohn, un médicament biologique susceptible d’affaiblir le système immunitaire. Ainsi, elle ne pouvait recevoir les vaccins actifs recommandés aux athlètes.

« Le risque que je contracte un virus ou un autre est extrêmement élevé, je ne peux pas en faire abstraction, mais il est hors de question que je manque les Jeux », a‑t‑elle lancé avant de quitter pour Rio.

Elle a apporté son médicament biologique à Rio et elle a reçu une injection une semaine avant sa compétition.

Sur la plus prestigieuse scène des disciplines athlétiques, Alyx s’est rendue à la deuxième ronde du saut en hauteur chez les femmes, la barre étant placée à 1,88 m à sa troisième tentative. Toutefois, lorsque la barre a été haussée à 1,93 m, elle n’a pu se rendre plus loin. Elle a récolté la 17e place.

Alyx est de retour à l’Université du Kansas, où elle poursuit ses études en vue de décrocher une maîtrise en administration des affaires, toujours en quête aussi d’un nouveau record. Son traitement lui a permis de surmonter les obstacles que la maladie de Crohn a mis sur son chemin.

« Mon processus de récupération s’est amélioré considérablement. Auparavant, je pouvais m’entraîner, mais la récupération le jour suivant n’était pas facile, je devais fournir un plus grand effort dans tout. Maintenant, je me remets très vite et je peux me dépasser chaque jour. »

Maintenant qu’elle peut faire cela, Alyx vise plus haut en athlétisme et elle veut aussi parler de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse.

« À l’origine, je voulais juste participer aux jeux, mais maintenant que j’ai retrouvé la santé, je suis vraiment emballée pour l’avenir. J’ai l’impression que je peux accomplir beaucoup plus », explique‑t‑elle.

« Lorsque je me battais contre la maladie, et que je m’efforçais en même temps de donner le meilleur de moi‑même, je ne voulais pas me présenter comme une victime de la maladie, et dire ‘’voilà pourquoi ça ne va pas vraiment comme ça devrait, voilà pourquoi je ne réponds pas aux attentes des gens’’. Maintenant que j’ai atteint mes objectifs, je suis tout à fait disposée à raconter aux gens, de manière détaillée, tout ce que j’ai vécu. »

  • Les taux de ces maladies au Canada figurent parmi les plus élevés du monde.
  • 1 CANADIEN SUR 140 vit avec la maladie de Crohn ou la colite
  • Pour la première fois, les familles nouvellement arrivées au Canada contractent la maladie de Crohn et la colite
  • Depuis 1995, l’incidence de la maladie de Crohn chez les enfants canadiens de 10 ans et moins a presque doublé
  • Les gens sont le plus souvent diagnostiqué avant 30 ans.

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